À propos de ces nouveaux logos, je vais essayer de m'expliquer, même si c'est un peu en vrac :

Premièrement, en regardant ces nouveaux logos, ils appartiennent tous (ou presque) à la même catégorie, des formes molles et douces, soit disant à la mode (dans les agences de communication, car la notion de "à la mode" est très subjective ;-).
Tous ces logos ressemblent à des logos de yaourts aux fruits (courbes souples et douces, couleur acidulée…). Ce genre de forme et de vocabulaire graphique marche très bien pour du yaourt dans nos supermarchés, mais pour une entité comme la SNCF ou l'ANPE, je ne suis pas sûr que ce code graphique les reflète bien.

Je ne m'étends pas sur le manque d'originalité des propositions par les agences françaises. Que ce soit Carré noir, Desgrippes, Dragon rouge, plan créatif… toutes les propositions des agences se ressemblent et sont interchangeables (elles sont "tendances";-). On ne peut pas reconnaitre la marque graphique ou créative d'une agence par rapport à une autre. C'est lisse, sans aspérités, sans histoire, sans plaisir, bref une grosse bassine d'eau tiède (référence au film "this is Spinal Tap";-)

Ces images reflètent bien le consensus et les centaines d'heures de réunion entre les services communication et marketing de ces entreprises et des agences. Avec, au bout un graphiste (dans le meilleur des cas) complètement déprimé de faire sa cinquantième proposition (au minimum).

Pour moi un logo ne doit pas être "à la mode" mais refléter l'identité d'une société. Les logos d'entreprises comme la SNCF, les banques… doivent être presque intemporels, ils doivent être reconnaissables et efficaces dans leurs compréhensions. Ils doivent marcher en noir et blanc (et oui je suis de la vieille école).
Bien sûr il faut régulièrement les réajuster (redessiner quelques lignes, actualiser la typo d'accompagnement…) afin de les actualiser (tous les dix ans), mais pas les changer suivant les lubies d'un nouveau directeur voulant poser sa marque et influencé par des agences ne cherchant que le profit immédiat (je caricature, mais je ne pense pas être loin de la vérité).
Il s'agit juste d'une course contre la montre, à celui qui changera le plus souvent de logo, en espérant que ce changement d'image fasse croire aux actionnaires (ou futures actionnaires comme pour EDF, GDF…) que la société est très dynamique. Cela ressemble beaucoup à de la gesticulation graphique.
Personnellement je préfèrerais que la SNCF ne change pas d'image graphique, mais que les TGV soient mieux agencés, que l'ergonomie de leur site web soit amélioré et que leur borne/guichet fonctionne (par exemple), cela permettrait d'améliorer beaucoup plus efficacement l'image de cette société. Que cet argent serve à améliorer les choses à l'intérieur de l'entreprise.
J'imagine la tête d'un employé de la SNCF quand il a vu le prix facturé par l'agence de communication pour le changement de logo de son entreprise, en gros trois mille ans de salaires ;-) je ne suis pas sûr que ce genre de pratique améliore beaucoup le dialogue entre les employés et la direction.

Je ne nie pas qu'il faille réactualiser l'image de marque des sociétés, mais je ne pense pas que changer le logo (s’il est honorable) soit la priorité. Il vaudrait mieux changer la manière d'utiliser le logo, changer ou redessiner la police de caractère d'accompagnement, réactualiser les couleurs de la charte, changer la direction artistique au niveau des choix des images (photos, illustrations…), bref changer et faire évoluer les autres éléments constituant l'identité graphique.

ps : Je n'ose pas parler du prix de la refonte de l’image de l’ANPE, vue le pourcentage du chômage actuellement, c'est une très bonne idée dépenser une fortune dans l'élaboration de ce nouveau logo.

En dessous, l'évolution du logo de la SNCF,
Celui de Roger Tallon était très bien, je ne vois pas pourquoi il a fallu rajouter une flèche rouge (le symbole du dynamisme dans les années quatre-vingt;-). Cette flèche + la barre en dessous étaient un enfer à caser dans les mises en page, les cartes de visites… à cause de la perte d'espace et donc de visibilité de ce logo. En effet cette flèche et cette barre prenaient une place graphique considérable, cette évolution était plutôt un recul en terme de lisibilité et de simplicité. De toute façon quand on commence à rajouter et à complexifier des éléments graphiques sur un logo, c'est très mal parti. un logo se doit être une épure et non pas un tas de signes plus ou moins bien dessinés.
À propos de la dernière version,
Ce logo est peu lisible, compliqué (des ombres sous les typos par exemple) et surtout le dessin des lettres n'est visiblement pas terminé (les courbes et la forme du C par exemple sont particulièrement disgracieuses). Ce qui gêne la lecture et donc son identification immédiate. L'agence a probablement essayé de remédier à ce problème en rajoutant (le vilain mot;-) un bloc de couleur très vive, mais qui ne vient que rajouter de la confusion à l'image.

ps : j'ai travaillé personnellement chez Desgrippes & associés sur les chartes graphiques de la SNCF à cette époque, je suis arrivé après que la création du logo et je devais donc refaire tout les documents de communication (carte de vite, tête de lettre…) avec cette nouvelle image.
Attention je ne regrette rien, et travailler chez Desgrippes & associés a été une très bonne expérience pour moi. Travailler dans une grande agence pour après passer FreeLance c'est une bonne solution (le contraire c'est plus dur;-).


Voici pour moi une petite liste de logos qui restent et resteront. Curieusement ces logos ne proviennent pas d'agence de communication, mais de graphistes/ateliers ayant une démarche d'auteur (assumant des choix graphiques, ayant une démarche propre et originale) :

Le logo A-POC (dessiné par Pascal Roulin en 2000), ci-dessus, est très intelligent, il est simple, très lisible et surtout il fait comprendre la logique de cette marque de vêtement (issue d'Issey Miyake).
En effet le processus de création des vêtements de la marque A-POC se fait par découpage de formes et de contre formes sans coutures (très malin). Vous achetez des vêtements à découper vous-mêmes.
Ce logo, en plus d'être fort graphiquement, est en même temps didactique. Ce qui est parfait pour sa mémorisation et donc son impact.
--> un petit lien vers une animation de ce logo.

L'exemple du logo du musée d’Orsay (ci-dessous) est aussi très parlant. Ce logo créé par Bruno Monguzzi lors de son association avec Visueldesign Jean Widmer, d'une très grande élégance, est un bon exemple de logo réussit pour moi. La preuve, c'est que ce logo est utilisé (et non pas caché en bas à gauche des affiches comme la plupart du temps) par les graphistes dans les affiches du Musée. On peut jouer avec ce logo, le mettre en grand (comme dans l'exemple de l'affiche de Bruno Monguzzi ci-dessous), le réduire, le multiplier… sur une affiche sans aucun problème. Ce logo devient source d'inspiration pour les graphistes, et non pas une contrainte.


Une autre question, pourquoi les logos (et la communication graphique en général) du secteur culturel sont toujours de meilleure qualité que ceux du secteur privé (ou grandes institutions)? Ce n'est pas une question d'argent, car je ne vous apprends rien, on est bien moins payé dans le secteur culturel.
Une des explications plausibles, c'est le problème du brief créatif (je parle comme une agence de pub;-). en effet je pense sincèrement qu'il n'y a pas de bon projet sans bon client.
La rédaction d'un brief par le client est réellement la clé de voûte d'un bon projet et donc d'un résultat de qualité. Les agences ne devraient pas accepter des briefs complètement flous et sans réel objectif. Cela pose aussi la question de la formation des directeurs de communication dans les écoles...

ps : attention, je ne tente pas de donner des leçons, et de me placer au-dessus, j'essaye juste de trouver des explications au triste paysage du graphisme français.