Voici un petit texte écrit pour Magazine n°38 concernant l'évolution de l’utilisation du logo du Centre Pompidou.

1977, Jean Widmer conçoit l’identité visuelle du nouveau Centre Georges Pompidou à Paris. Il ne veut pas dessiner de logo, son système visuel et signalétique étant selon lui suffisant à l’identité du futur centre. Ne pas dessiner de logo, pour un designer graphique, est une sorte de fantasme, un absolu : signifier une entité uniquement par l’utilisation d’une couleur, d’une typographie, d’un système graphique et sans y apposer ce fameux logo. Mais, la direction du centre insiste : ça rassure un logo. On peut le coller partout : sur une chaise, sur un laissez-passer, sur un billet, sur un bâtiment...
Jean Widmer obtempéra et dessina donc ce logo, si simple et si évident, une fois créé. C’est une épure du bâtiment si caractéristique, avec son escalator en façade. Il est immédiatement reconnaissable (même si son auteur ne figura que cinq étages dans son logo alors que le bâtiment en comporte six) et en même temps presque abstrait.

De nombreuses années plus tard, pour le passage symbolique au nouveau siècle et après presque deux ans de fermetures partielles, une nouvelle identité du centre fut demandée au designer Ruedi Baur. Dans un premier temps, l’idée de faire disparaître ce logo fut envisagée par son équipe, mais rapidement la communauté des graphistes fit pression pour garder ce signe si important, devenu avec le temps un logo historique. Depuis 2000, Ruedi Baur a adopté un « typogramme » à partir du nom Centre Pompidou, composé sur une diagonale inversée par rapport au logo original. La nouvelle charte graphique ne fit donc pas disparaître le logo, mais ne l’imposa pas non plus ; son utilisation resta à la discrétion des graphistes. Au cours du temps, il se fit de plus en plus discret, comme une sorte de cache-cache graphique avec le logo de Jean Widmer. Il apparaît sur un laissez-passer, disparaît sur une affiche, réapparaît sur les documents de la Bpi (Bibliothèque publique d'information), est absent du site Internet du centre, alors qu’en guise de page d’accueil il affiche une photo du bâtiment...

Contrairement aux marques commerciales, qui essayent d’imposer leur image par la répétition de leur logo, créant par là-même une pollution visuelle insupportable, le logo de Beaubourg est une vraie réussite : il est toujours présent mais presque jamais imprimé…

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Beaucoup plus d'informations dans un texte très complet de Catherine de Smet sur ce logo:Histoire d'un rectangle rayé. Jean Widmer et le logo du Centre Pompidou, les Cahiers du Musée national d'art moderne, automne 2004, n° 89, p. 5-23.