Etienne Mineur archives

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jeudi 9 août 2012

Monopoly un jeu anti-capitaliste?

Le jeu Monopoly (jeu capitaliste par excellence) que vous connaissez tous (mais dont vous ne vous rappelez plus exactement des règles) date de 1934 et est attribué à Charles Darrow, mais ce jeu est en fait une reprise du jeu du propriétaire (Landlord's Game) d'Elisabeth Maggie qui inventa ce jeu en 1904 (elle déposa un brevet pour cette invention et nous avons donc une date très précise). Le principe de Landlord's Game était le même que celui du Monopoly que nous connaissons actuellement, mais le but était totalement différent, en effet Elisabeth Maggie voulait dénoncer les dangers du capitalisme, du monopole et de la location ne faisant qu'accroître les inégalités entre riches et pauvres. Elle voulait imposer le système de la taxe unique afin de limiter les bénéfices des propriétaires fonciers (d’après les théories de l’economiste Henry George).
Une citation en anglais : « a practical demonstration of the present system of land grabbing with all its usual outcomes and consequences".
--> source : lvtfan.typepad.com
On peut aussi voir dans ce texte, qu’elle a failli appeler son jeu Game of Life qui est comme vous le savez sûrement le nom d’un autre jeu très célèbre édité une fois de plus par Hasbro. Le jeu Game of Life fut créé par monsieur Milton Bradley lui-même en 1860 (le nom de ce jeu était juste à l’époque Life).

En guise de (malheureuse) conclusion, voici un extrait d’un article de largeur.com:

Elizabeth Magie refuse tous droits d’auteur. L’activiste pense encore qu’une commercialisation à grande échelle va promouvoir la taxe unique. Sauf que son livret d’instruction passe à la trappe et que les adeptes du jeu ont davantage de jubilation que de scrupules à ruiner leurs adversaires. Son jeu didactique et contestataire devient le symbole d’un capitalisme en pleine renaissance après la crise de 1929. Darrow qui, lui, ne rechigne pas aux royalties fait fortune et devient le premier milliardaire du Monopoly. Il n’hésite pas à effacer la maternité de Magie et à s’arroger l’invention.

Une photo du premier plateau de Landlord's Game.



Beaucoup plus tard (1974) allait sortir l’Anti-Monopoly, de Ralph Anspach, un Monopoly essayant de renouer avec l’esprit d’origine. Voici un extrait du texte de l’éditeur de ce jeu :

« Derrière l’Anti-Monopoly de Ralph Anspach, économiste et inventeur du jeu, se cache une philosophie plus profonde : les joueurs doivent prendre conscience de l’influence et du pouvoir parfois injustement exercés par l’État, les grands propriétaires fonciers et les grandes entreprises capables d’occuper une position de monopole. ».

Pour la petite histoire, après beaucoup de batailles juridiques (on veut bien le croire;-) Anti-Monopoly est actuellement un nom protégé de Hasbro Inc utilisé sous licence par Anspach (l’éditeur d’origine).

Une photo de cet anti-Monopoly.



Et pour continuer dans le même (mauvais!) esprit, il existe aussi le Chomageopoly édité par les travailleurs de Lip en 1977, dont voici un extrait du texte de son livret (merci à jeuxsoc.fr):
« Ce jeu traduit la lutte des travailleurs mis en chômage par la faillite de leur entreprise. Attachés à leur entreprise, à leur outil de travail, ils restent ensemble pour obliger le gouvernement, le patronat, et le système qui les ont mis au chômage, de leur trouver un emploi.».

Une photo du jeu d’origine :



--> des informations complémentaires sur designetc.fr
--> monopolyste.online.fr
--> monopolypedia.fr
--> sur le Chomageopoly.

ps : Je veux aussi signaler que les éditions volumiques participent un peu (un tout petit peu!) à cette histoire, car la dernière version de Monopoly (zapped edition) utilise une de nos invention (reconnaissance tactile de carte sur un écran capacitif).

mercredi 8 août 2012

un livre casse-tête

Encore un livre-jeu étrange : Casse-tête dans le Cosmos, un mélange de casse-tête logique et de nouvelles de science-fiction par le mathématicien Martin Gardner.
Ce livre est constitué de très courtes nouvelles de science-fiction débouchant sur une question liée à la logique (géométrie, statistiques...). Vous avez vers la fin du livre une première réponse et explication, mais à chaque fois cette réponse amène vers une autre question (liée à l’histoire), qui vous amène de nouveau vers une nouvelle réponse et ainsi de suite (trois fois). La chose « amusante » c’est ce système de ricochet dans les questions-réponses dans les différentes histoires qui vont vous tenir en haleine (tout est relatif tout de même, car il s’agit en fait de pur problème de logique, les histoires ne sont que des prétextes).

Quelques photos de l’édition française (Dunod) datant de 1982.




mardi 7 août 2012

Meurtre à Miami, la première fiction interactive!

Après ''Sherlock Holmes détective conseil'', Voici un autre livre-jeu : Meurtre à Miami de Dennis Wheatley (et inspiré par une idée de Joseph Gluckstein Links), qui se présente sous la forme d’un dossier avec des rapports de Police, des indices (des cheveux...), des lettres, des photos, des télégrammes, des notes manuscrites etc. Ce livre est assez étonnant, car il est constitué de nombreux types de papiers différents, de lettres, de sachets avec des cheveux et des allumettes, des brouillons... bref c’est presque un livre objet qui pourrait se rapprocher de certains livres d’artistes.
Le principe de ce livre est assez simple, on vous propose dans ce livre rassemblé toutes les notes, indices et rapports de police concernant le meurtre d’un homme d’affaire. À vous de vous faire une opinion et de trouver l'assassin en lisant ces documents. À la fin du livre, se trouve une enveloppe scellée qui va vous donner le nom de l’assassin et ses explications. Ce livre, ne peut donc s’utiliser qu’une fois. J’adore ce principe, car cela responsabilise le lecteur, avant de déchirer cette enveloppe, vous allez relire et relire certains passages afin d’affiner votre opinion et votre compréhension de l’enquête.

La première édition date de 1936, et cet ouvrage pourrait donc être considéré comme la première fiction interactive (pour information, le «un conte à votre façon» de Raymond Queneau date de 1967, et les premiers « livre dont vous êtes le héros » datent du début des années quatre-vingt). Cet ouvrage peut se lire linéairement, mais dans la pratique, vous revenez sans cesse en arrière afin de confronter certaines pistes, on se retrouve dans une vraie lecture «interactive» augmentée par l’utilisation de différents types de supports papiers composant l’objet.
Il faut aussi noter, qu’après le succés de cette première édition (200 000 copies vendues juste en Angleterre), sont parus dans la même collection Crime Dossiers : Who Killed Robert Prentice?, The Malinsay Massacre et Herewith The Clues.

Une photo de la première édition datant de 1936 :


Des photos de l’édition française (Ramsay 1983):







--> des informations complémentaires sur la genèse de cette aventure sur le site filfre.net.

Voici un extrait de ce texte en anglais concernant la création du principe de ce livre :

« One night over dinner, circa 1935, Links dropped a brainstorm on Wheatley: what if they put together a murder mystery not in the form of a novel but rather as a dossier of reports and clues? Since so much of contemporary crime fiction was really about giving the reader a puzzle to solve, the trappings of the novel were beginning to seem to Links like a pointless intrusion on their real appeal. “Why can’t we just have the facts and the clues?” he theorized readers must be asking.»

--> et aussi sur Wikipédia (comme toujours) des informations sur l’historique des livres-jeux.

un livre dont vous êtes le héros passionnant, oui ça existe!

Sherlock Holmes détective conseil (Sherlock Holmes Consulting Detective) est un jeu datant de 1981 et réédité actuellement en Français par la société Ystari (et merci à Farid pour avoir insisté sur la qualité de ce jeu). Ce jeu est un mélange de livre dont vous êtes le héros, jeu de société (on peut y jouer à plusieurs) et on pourrait dire de jeu de rôle (le thème et l’univers de l’époque sont très présents). On vous propose une enquête, et vous avez à votre disposition, un annuaire (qui va vous permettre de trouver les personnes à interroger), une carte de Londres et des extraits des journaux de l’époque. Après la lecture de l’énoncé de l’enquête vous êtes entièrement libre d’interroger des témoins, de vous déplacer, de lire les journaux... le principe est très simple et passionnant (si vous acceptez de rentrer dans cet univers). Ce livre-jeu est nettement plus intéressant que les fameux livre dont vous êtes le héros, car vous avez un grand sentiment de liberté dans le cheminement de votre propre histoire. Il n’y a pas de choix binaire comme on trouve régulièrement dans un livre dont vous êtes le héros (on se retrouve très vite dans une arborescence très limitée). Très vite vous trouvez immergé et impliqué dans cette histoire qui se déroule devant vous, vous portez une grande attention aux discours des protagonistes et essayez de tracer des liens entre les personnages. Bref, voici enfin une vraie lecture interactive et passionnante.
Ce genre d’interactivité entre le lecteur et son livre devrait (j’espère) donner des idées à de nombreux auteurs. Dans ce livre jeu, il n’y a aucun artifice comme des dés, des choses cachées, des trucs à secouer, à sentir... il faut juste lire et c’est la bonne articulation entre les différents dialogues qui va donner tous son sens à l’histoire globale.
Comme c’est tout de même un jeu, le but est de résoudre les enquêtes le plus rapidement possible, en essayant de battre le grand Sherlock Holmes, ce qui est pour ma part, presque impossible. Mais ce n’est vraiment pas l'intérêt principal de ces dix enquêtes qui nous sont proposées.

Quelques photos de ce livre-jeu :





--> sur TricTrac
--> sur Gus & Co

mercredi 1 août 2012

Le Jeu de la Guerre, un WarGame de Guy Debord

Toujours dans ma série « intellectuel engagé politiquement » (après H.G. Wells et son WarGame), voici un autre Ovni ludique, le « Jeu de la Guerre » de Guy Debord. Je savais que Guy Debord était très attaché aux jeux (on retrouve souvent des références au jeu dans l’œuvre situationniste et aussi dans les textes de l’Internationale Lettriste), mais je viens de découvrir qu’il avait créé une société nommée « Les Jeux stratégiques et historiques » dont l'objet était la production et la publication de jeux. Il a en effet inventé un jeu de plateau du nom assez explicite de « Jeu de la Guerre ». Il s’agit d’un WarGame assez classique.
Il a aussi publié (avec Alice Becker-Ho) en 1987 aux éditions Gérard Lebovici (puis chez Gallimard) le livre Le Jeu de la Guerre : Relevé des positions successives de toutes les forces au cours d'une partie.

--> extrait de Wikipédia :
En 1965, Guy Debord dépose le brevet d'un Jeu de la Guerre (dit encore Kriegspiel) qu'il avait imaginé dix ans plus tôt. En 1977, il s'associe à Gérard Lebovici pour fonder une société nommée « Les Jeux stratégiques et historiques » dont l'objet est la production et la publication de jeux. Quelques exemplaires en cuivre argenté du Jeu de la Guerre seront réalisés par un artisan et une Règle du « Jeu de la Guerre » est publiée en français et en anglais. En 1987, paraît le livre Le Jeu de la Guerre (éd. Gérard Lebovici, puis Gallimard en 2006) présenté sous forme d'un « relevé des positions successives de toutes les forces au cours d'une partie ». Un modèle rudimentaire du jeu avait été diffusé dans le même temps. Ce jeu est basé sur les lois établies par la théorie de la guerre de Clausewitz et a donc pour modèle historique la guerre classique du dix-huitième siècle, prolongé par les guerres de la Révolution et de l'Empire. Une adaptation informatique du jeu est apparue sur internet en 2008.


Alice Becker-Ho et Guy Debord jouant au Jeu de la Guerre.


--> si vous voulez tester par vous même, il existe une adaptation en jeu vidéo (très bien réalisée) sur ce principe.
--> et aussi on en parle sur Libération.
--> un article passionnant sur Guy Debord et sa relation au jeu par Boris Donné dans un numéro de de(s)generations ayant pour thème : la règle du jeu.
--> le texte de Boris Donné est directement accessible en pdf à cette adresse.