En sortant des conférences des Entretiens du nouveau monde industriel la semaine dernière, j’ai couru acheter Ubik de Philip K.Dick. Toutes ces conférences concernant le futur de nos objets m’ont rappelé mes souvenirs de la lecture (traumatisante) de ce livre vingt ans auparavant. Et bien après relecture attentive d’Ubik je peux affirmer que ce livre est un chef-d’œuvre de la science-fiction (et même de la fiction tout court). La lecture de ce livre devrait être obligatoire dans toutes les écoles de design. La place des objets, leurs usages, leurs utilisations, leurs importances, leurs significations, leurs futurs et leurs passés... sont décrit d’une manière magistrale par Philip K.Dick. Ce roman ne traite, bien sûr, pas que des objets, mais si je commence à en parler avec enthousiasme je crois que je vais « spoiler ».
Petite précision pour les gens ne connaissant pas l’univers de Philip K.Dick (et oui ça arrive), ces livres furent à l’origine de films comme Blade Runner, Total Recall et Minority Report (mais aussi Paycheck et bien d’autres).
L’envie de relire ce livre me fut aussi donnée par une intervention de Daniel Kaplan, indiquant au début de sa conférence, avec raison, que la science-fiction ne faisait plus son travail. En effet la science-fiction contemporaine n'arrive plus a avoir un imaginaire d’avance (contrairement à la SF des années 50 et 60) nous ne sommes plus dans des utopies mais au contraire dans des dystopies.
En gros, nous sommes actuellement dans le futur imaginé dans les années 50 et 60, à part les voitures volantes, nous sommes dans le futur, amis il n'existe aucune utopie pour notre propre futur (sauf très sombre).
Voici un extrait (juste dans les premières pages) vous permettant de juger de l’intelligence et de l’acuité de ce texte (sans parler de sa totale paranoïa).
Ce texte fut écrit en 1966 + traduction d’Alain Domérieux
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« Il manipula la poignée du réfrigérateur, pour en sortir un carton de lait.
– Dix cents, s’il vous plaît, dit le réfrigérateur. Cinq pour ouvrir la porte et cinq pour la crème.
– Ce n'est pas de la crème, dit-il. C’est du lait ordinaire. (Il continua à essayer de manœuvrer – inutilement – la porte du réfrigérateur.) Juste cette fois, fit-il. Je paierai ce soir, juré. »
...
« – quand puis-je apporter mes affaires ici ?
demanda-t-elle en s’éloignant vers la salle de bain. Puisque je vous ai donné sans doute l’équivalent d’au moins un mois de loyer, je considère que je suis chez moi maintenant.
– quand vous voudrez, dit-il.
La salle de bain déclara :
– cinquante cents, s’il vous plaît. Avant de commencer à faire couler l’eau. »
Pat revint dans la cuisine pour prendre son porte-monnaie. »
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Où comment Philip K.Dick dès les années soixante fait un trait définitif sur la domotique et sur les vendeurs de réfrigérateurs intelligents ;-)
Dans mes souvenirs de romans de science-fiction terrorisants, avant-gardistes et essentiels, je pense à Crash! de J. G. Ballard (en 1973) et aussi à Solaris de Stanislas Lem (en 1961).
Attention, si vous n'avez jamais lu ces romans, la lecture d’Ubik, Crash! et Solaris va vous marquer pour le restant de vos jours.